ÉLECTRICITÉ - Histoire

ÉLECTRICITÉ - Histoire
ÉLECTRICITÉ - Histoire

La science de l’électricité s’est peu à peu constituée à partir de simples observations des phénomènes de la nature. La boussole en est la première application.

La possibilité de produire à volonté de l’électricité fut acquise seulement au XVIIe siècle (machines statiques de Guericke et Huygens), et, au début du XVIIIe siècle, la découverte d’électricités différentes permit de classer ce «fluide» en deux catégories: l’électricité vitrée (positive), l’électricité résineuse (négative).

Au XVIIIe siècle, l’expérimentation est suffisamment développée pour que l’on puisse échafauder les premières théories et, par des expériences et des mesures de plus en plus précises, passer du qualitatif au quantitatif (Cavendish et Coulomb).

Mais l’électricité statique que l’on produit, et qui fait l’objet des recherches, ne peut plus amener de grands progrès. En 1800, la découverte de la pile (Volta) permet d’obtenir des courants électriques (électricité dynamique ).

Alors se fait la jonction des deux catégories, électricité et magnétisme dans l’électromagnétisme. Des lois rigoureuses sont établies (Ampère et Ohm, même année, 1827) et l’on découvre les courants d’induction (Foucault, vers 1850).

Parallèlement à ces recherches, une longue série d’observations et d’expériences sur la conductibilité de l’électricité dans les gaz conduit à la mise en évidence des phénomènes de rayonnements. Ainsi sont découverts successivement les rayons positifs (Goldstein), les rayons cathodiques (Hertz, J. Perrin, J. J. Thomson, P. Lenard) puis les rayons X (Röntgen), ces derniers ouvrant la voie à des applications remarquables tant en médecine que dans la connaissance de la constitution de la matière.

Les équations de Maxwell permettent la découverte des ondes hertziennes (Hertz), à l’origine de la radiotechnique. Alors naît la théorie de Lorentz (1892-1895) où, à l’échelle microscopique, on associe aux charges en mouvement un champ électrique et un champ magnétique.

Les travaux de Pierre Curie sur la symétrie des phénomènes physiques, en introduisant la notion de prévision , marquent un tournant important; ses études sur le magnétisme sont poursuivies et élargies par son élève Paul Langevin. C’est à ce moment que la connaissance de la constitution de l’atome se précise (N. Bohr) et que Max Planck établit sa théorie des quanta. Einstein, pour expliquer l’effet photo-électrique, revient à une conception granulaire de l’électricité, et, en 1925, Louis de Broglie opère une synthèse entre les théories ondulatoire et corpusculaire.

1. Les origines

L’Antiquité

Parmi les premières observations relatives à ce que l’on nommera plus tard électricité, il faut citer les éclairs orageux, la foudre (liée à la production du feu), les aurores boréales, l’attraction de certaines substances par d’autres (ambre et pierres d’aimant).

Thalès, né à Milet (env. 625-env. 547), le plus ancien des sept sages de la Grèce, fondateur de l’école ionienne, connaissait la propriété de l’ambre jaune ou succin (en grec elektron , d’où électricité) d’attirer les corps légers grâce à une «âme vivante» possédée par ces matières. Il aurait rapporté ces connaissances d’Égypte. Platon (env. 427-env. 347) voit dans ce phénomène une sorte de «respiration» (Timée ). Pline l’Ancien (23-79) et Plutarque (env. 47-120) insistent sur le fait qu’il faut frotter l’ambre pour obtenir une attraction.

Dans l’Antiquité, on connaissait aussi les propriétés de la pierre dite d’Héraclée, de Lydie ou de Magnésie (d’où le terme de magnétisme), qui constitue les aimants et que l’on appelle la magnétite (oxyde de fer Fe34). Démocrite (env. 460-env. 370) a donné un traité de l’aimant dont «les atomes pénètrent au milieu de ceux moins sensibles du fer pour les agiter».

Une première application

Au IIIe siècle, les Asiatiques savaient fabriquer des boussoles de divers types. D’abord constituées par des cuillères de magnétite placées sur des plans de marbre, elles étaient destinées à la divination, puis formées d’aiguilles aimantées flottant sur de l’eau (au moyen de brins de roseau); elles servirent à guider les navigateurs. Les croisés ont vraisemblablement trouvé ces instruments chez les Arabes.

Pierre le Pèlerin de Maricourt, qui fut le maître de Roger Bacon (env. 1219-env. 1292), cite, en 1269, dans son Epistola de magnete , l’expérience de l’aimant brisé (multiplication des pôles), puis ressoudé; mais il semble avoir ignoré la déclinaison magnétique. C’est seulement au XVe siècle que l’on parle de ce phénomène, dont Christophe Colomb (env. 1450-1506) aurait noté la variation d’un point à un autre du globe entre les 13 et 17 septembre 1492.

William Gilbert (1544-1603), médecin de la reine Élisabeth et du roi Jacques Ier d’Angleterre, pour expliquer l’inclinaison et la déclinaison des aiguilles aimantées, aurait admis le premier que la Terre est un aimant. Il serait également le créateur du terme même d’électricité, vis electrica .

Premières machines

Otto de Guericke (1602-1686), bourgmestre de Magdebourg, généralise le phénomène d’attraction par frottement à un grand nombre de corps (saphir, rubis, améthyste); il crée la première machine capable de produire de l’électricité (statique) au moyen d’un globe de soufre que l’on frottait alors qu’il était animé d’un mouvement de rotation autour d’un axe le traversant. Il tira de cet appareil des étincelles qu’il compara aux éclairs du ciel.

Christiaan Huygens (1629-1695) améliore cette machine en remplaçant la grosse boule de soufre par une petite sphère d’ambre. Vers la même époque, l’abbé Jean Picard (1620-1682) constate que le tube de verre d’un baromètre devient lumineux quand on agite le mercure qu’il contient. C’est aussi ce qui ressort des expériences du constructeur anglais Francis Hauksbee (env. 1666-1713), qui montre de plus que par frottement le verre donne des effets électriques plus importants que le soufre.

Arrivés à cette période du XVIIe siècle, on peut faire le point des observations et des expériences: une seule application a vu le jour, la boussole; la distinction entre électricité (statique) et magnétisme est déjà établie; les premiers effets du passage de l’électricité dans des gaz raréfiés (luminescence) se manifestent; enfin, les résultats obtenus ne constituent que des curiosités, pour ne pas dire de simples amusements: on ne cherche pas encore à bâtir des théories.

Avec Stephen Gray (1666-1736), une nouvelle étape est franchie; ce savant montre que l’on peut transporter la «vertu électrique» par des fils de soie, puis de métal, et ce même à travers le corps humain, à des substances qui ne la possèdent pas. Il parvient même à produire l’électrification sans contact (par influence) et divise les corps en conducteurs et non conducteurs.

Les deux électricités

Charles François de Cisternai Du Fay (1698-1739) met en évidence les deux formes de l’électricité: celle que l’on obtient par frottement des corps transparents, comme le verre ou le cristal, et celle qui provient des corps bitumeux ou résineux, comme l’ambre ou la résine copal. Les uns et les autres repoussent les corps qui ont «contracté» une électricité de même nature que la leur et attirent au contraire ceux dont l’électricité est de nature différente. Il nomme l’une de ces formes «électricité vitrée», l’autre «électricité résineuse».

Au milieu du XVIIIe siècle, on admettait donc l’existence d’un fluide électrique, qui se propageait par des conducteurs et que l’on pouvait même accumuler dans les appareils que l’on nomme aujourd’hui condensateurs et dont l’invention, vers 1745, est due en particulier à von Kleist (env. 1700-1748) et à Musschenbroek (1692-1761) [bouteille de Leyde].

Benjamin Franklin (1706-1790) donne une théorie complète de cet appareil et, comme Stephen Gray, affirme que le fluide ainsi recueilli est de même nature que la foudre. Grâce à l’invention du paratonnerre et à l’utilisation de cerfs-volants, Franklin a pu capter l’électricité atmosphérique; c’est ce que réalise aussi Thomas François Dalibard (1703-1779) en France.

2. Les premières théories

Les observations et les expériences étant devenues assez nombreuses, il est dès lors possible de bâtir des théories.

Fluide unique ou deux fluides?

Pour Franklin, «la matière électrique consiste en particules extrêmement subtiles, puisqu’elle peut pénétrer la matière ordinaire, même les métaux les plus denses. «Le fluide électrique se trouve dans la matière ordinaire parce que nous pouvons le pomper au-dehors.» `pinus (1724-1802) partageait cet avis. La théorie dite du fluide unique se constituait ainsi.

En revanche, les physiciens anglais Robert Symmer (env. 1707-1763) et suédois Torbern Olof Bergman (1735-1784) défendaient la théorie dite des deux fluides: deux fluides préexistent en quantités égales dans tout corps à l’état neutre, et l’approche d’un corps électrisé, attirant l’un des fluides et repoussant l’autre, les sépare; d’où résultent les phénomènes d’influence.

Les premières mesures sont dues à Henry Cavendish (1731-1810), en Angleterre, et à Charles Augustin Coulomb (1736-1806), en France. Ces deux savants différaient cependant dans leurs opinions. Cavendish envisageait la théorie du fluide unique et Coulomb celle des deux fluides. Cavendish imaginait un fluide élastique dont les particules constituantes, ainsi que celles de l’«autre» matière, possédaient certaines propriétés de répulsion ou d’attraction mutuelles. Il parle du poids des grains du fluide électrique et suppose que la quantité de cette matière qui peut être recueillie dans un espace donné est limitée.

Les deux expérimentateurs montrent que le fluide électrique renfermé dans un corps se porte toujours à sa surface. La notion de capacité d’un conducteur est due à Cavendish, et l’idée directrice qui distingue ses recherches de celles de ses prédécesseurs et contemporains est la notion de degré d’électrification (le potentiel). Il donne aussi un sens précis à l’expression «électrisé positivement et négativement», et indique par des mesures exactes que les charges de corps similaires sont dans le rapport de leurs dimensions linéaires.

Coulomb, de son côté, par des mesures effectuées à l’aide de la balance de torsion, montre que la force (attractive ou répulsive) qui s’exerce entre deux corps électrisés varie en raison inverse du carré de leur distance. À ce moment se dégagent donc des lois précises, dues non seulement aux expériences, mais aussi à la mesure des phénomènes. Enfin, Coulomb établit que le champ magnétique terrestre est uniforme et introduit une théorie moléculaire du magnétisme.

Les courants électriques

Cette analyse de l’électricité statique n’avait donné aucun moyen de produire du travail et n’avait donc pu conduire jusque-là à des applications.

En 1746, Louis Guillaume Le Monnier (1717-1799) obtint un « courant électrique» temporaire dans un long conducteur qu’il avait réuni aux armatures d’une bouteille de Leyde et observa que «la vitesse de la matière électrique parcourant un fil de fer est au moins trente fois plus grande que celle du son». Diderot et d’Alembert firent appel à ce savant pour rédiger dans l’Encyclopédie les articles «Aimant» et «Électricité» en 1751 et 1755. Le Monnier y écrit: «Ce mot [électricité] signifie en général les effets d’une matière très fluide et très subtile, différente par ses propriétés de toutes les autres matières fluides que nous connaissons.»

Vers 1775, Walsh montra l’identité de l’électricité dégagée par les poissons torpilles avec celle que produit la décharge d’une bouteille de Leyde, et Cavendish construisit un poisson artificiel comportant un très grand nombre de condensateurs, ce qui lui permit d’étudier la résistance électrique de nombreuses solutions de divers sels, réalisant ainsi le premier travail sur les «équivalents chimiques».

En 1791, Luigi Galvani (1737-1798), observant les contractions des membres d’une grenouille par interposition d’un arc de métal entre deux parties du tronc de l’animal, en conclut que les nerfs et les muscles sont chargés d’électricités contraires comme les armatures d’une bouteille de Leyde, mais il en resta à la conception de l’«électricité animale».

Découverte de la pile

Alexandre Volta (1745-1827) dépassa en les rejetant les idées de Galvani: il remarqua, à la suite d’expériences faites par Sulzer en Suisse, que, si l’on place la langue entre deux rondelles constituées par deux métaux différents reliés par un fil conducteur, on éprouve une sensation acide ou alcaline suivant l’ordre dans lequel sont placés les deux métaux. Ces expériences le conduisent à une classification des métaux du point de vue électrique, et il invente vers 1800 un appareil entièrement nouveau, une pile composée de disques de zinc et de cuivre, chaque couple métallique étant séparé du suivant par un carton humide. L’action de cet appareil était celle d’une grande batterie de condensateurs, mais il possédait l’immense avantage de se recharger instantanément. On pouvait ainsi produire à volonté des courants électriques.

La découverte de la pile électrique fut une véritable révolution dans ce domaine de la physique. L’électricité, jusque-là statique, devient dynamique. Les phénomènes électriques ne seront plus des curiosités réservées aux cabinets de physique, comme du temps de l’abbé Jean Antoine Nollet (1700-1770), ou des amusements de société; ils vont prendre place dans les laboratoires des savants. Des recherches fondamentales vont pouvoir se développer, puisque chacun pourra produire des courants pendant de longues durées. Les applications seront de plus en plus nombreuses, la voie étant ouverte pour utiliser l’électricité à créer du travail, de la chaleur, de la lumière.

Grâce à l’invention de Volta, la chimie progresse. Humphry Davy (1778-1829) décompose la soude et la potasse fondues, découvrant ainsi le sodium et le potassium; en 1812, Jöns Jacob Berzelius (1779-1848), développant les idées de Davy, établit une théorie électrochimique de la matière en montrant que toute combinaison chimique est l’union d’un constituant électropositif et d’un constituant électronégatif.

Auguste de La Rive (1801-1873) montre que, dans une décomposition de solution chimique par l’électricité, les deux constituants cheminent en sens inverse dans le liquide, idée qui sera reprise par d’autres physiciens.

3. L’électromagnétisme

D’Œrsted à Maxwell

Ayant observé dès le début du XVIIIe siècle l’aimantation du fer par la foudre, on se préoccupa donc logiquement de savoir s’il existait des rapports entre l’électricité et le magnétisme. C’est une réponse positive qu’apporta en 1819 Hans Christian Œrsted (1777-1851), quand il observa qu’une aiguille aimantée (mobile sur un pivot), placée parallèlement à un fil métallique et en dessous, quitte la direction du méridien magnétique pour se placer perpendiculairement au fil quand ce dernier est parcouru par un courant électrique. L’année suivante, Jean-Baptiste Biot (1774-1862) et Félix Savart (1791-1841) montrèrent que la force agissant sur le pôle (de l’aiguille aimantée) est perpendiculaire à la normale abaissée de ce pôle sur le fil (traversé par le courant) et varie en raison inverse de la distance de l’aiguille au fil. De ces travaux, Pierre Simon de Laplace (1749-1827) déduisit une formule qui porte, cependant, le nom des deux savants précédemment cités.

André Marie Ampère (1775-1836) déduit de ce phénomène un ensemble de principes qui définissent qualitativement et quantitativement le champ magnétique créé par un courant:

– les actions d’un courant sont inversées quand on inverse son sens;

– il y a une inégalité des actions exercées sur un conducteur mobile par deux conducteurs fixes situés à égale distance du premier et dont l’un est rectiligne et l’autre plié et enroulé d’une manière arbitraire;

– l’action d’un ou de plusieurs circuits fermés sur un élément infiniment petit d’un courant électrique est perpendiculaire à cet élément;

– à intensités constantes, les interactions de deux éléments de courant ne changent pas quand leurs dimensions linéaires changent et quand leurs distances sont modifiées dans un même rapport.

À l’aide des expériences précédentes et en observant l’aimantation du fer par les courants, François Arago (1786-1853) inventa l’électro-aimant et Johann Schweigger (1779-1857) construisit son multiplicateur en plaçant une aiguille aimantée à l’intérieur d’une bobine plate parcourue par un courant électrique. Un premier appareil de mesure, «aussi sensible à l’action d’une pile qu’un nerf de grenouille», était ainsi né. Découvertes et applications se suivent alors avec une telle rapidité qu’il est difficile de faire un choix suivant leur importance et leur avenir.

Ainsi, Thomas Johann Seebeck (17701831) met en évidence les effets thermo-électriques (production de courants) qui se manifestent dans un circuit constitué de deux métaux dont les deux soudures se trouvent à des températures différentes. Il devenait donc possible (c’est une étape importante) de transformer l’énergie thermique en énergie électrique.

Georg Simon Ohm (1789-1854) va établir la loi qui porte son nom en montrant que la différence de potentiel entre deux points d’un conducteur est proportionnelle à l’intensité du courant, la constante de proportionnalité, nommée la résistance, dépendant de la nature du conducteur, de sa longueur et de sa section, supposée constante. Ce savant put établir puis généraliser sa loi en remplaçant les piles de Volta par des éléments thermo-électriques (cuivre-bismuth).

Michael Faraday (1791-1867) découvrit vers 1830 les courants d’induction qui prennent naissance dans des conducteurs placés dans un champ magnétique variable, ou qui se déplacent dans un champ magnétique. Les applications de cette découverte constitueront toute l’industrie électrique (génératrices de courant continu et alternatif, éclairage, moteurs, transports d’énergie à longue distance, transformateurs). Faraday crée les mots «électrolyse», «cathode», «anode», «ion». Il affirme que les atomes de la matière sont dotés de puissance électrique ou associés à ces puissances auxquelles ils doivent leurs qualités les plus marquantes, notamment leurs affinités mutuelles: «Les atomes des corps qui sont équivalents entre eux ont des qualités égales d’électricité qui leur sont naturellement associées.» On trouve dans ces remarques la base même des théories atomiques de l’électricité et de la matière.

Faraday ouvrait la voie à une théorie de la propagation de proche en proche des actions électromagnétiques.

Par ailleurs, les découvertes d’Ampère amenèrent à trouver une loi de force ou de potentiel capable d’expliquer les phénomènes d’induction, c’est-à-dire les actions à distance.

Au milieu du XIXe siècle, les théoriciens de la physique cherchent à établir une théorie mécanique de l’électricité et du magnétisme, mais ils se heurtent à l’existence (supposée) d’un milieu qui, suivant les cas, devait être soit absolument fluide, soit complètement solide, et qu’on désignait sous le nom d’éther.

C’est alors que James Clerk Maxwell (1831-1879) proposa une théorie devant relier champ électrique et champ magnétique et prévoyant de ce fait l’existence d’ondes électromagnétiques. D’après ses calculs, ces ondes avaient même nature et même vitesse de propagation que les ondes lumineuses.

Ions, rayonnements

Rudolf Clausius (1822-1888) montra que, puisque la loi d’Ohm s’appliquait aussi aux électrolytes, le champ électrique faisait circuler les ions qui se trouvent dans le liquide vers les électrodes. En 1833, Johann Wilhelm Hittorf (1824-1914) précisa que, dans ce cas, les ions des deux signes ont des vitesses différentes. G. Johnstone Stoney (1826-1911) indiqua alors qu’il devait exister une charge unitaire portée par chaque ion à laquelle il donna le nom d’électron .

La conductibilité de l’électricité dans les gaz est l’aboutissement d’une longue série d’observations et d’expériences: illumination d’un tube barométrique (Picard, XVIIe s.), décharges électriques dans des gaz sous faible pression (Faraday, XVIIIe s.); puis Julius Plücker (1801-1868), par l’emploi de tubes capillaires, montre que la lumière émise par des gaz excités électriquement donne des raies caractéristiques des corps étudiés et crée ainsi l’analyse spectrale. Suivent les travaux de Robert Wilhelm Bunsen (1811-1899) et de Gustav Robert Kirchhoff (1824-1887) dans le même domaine.

En 1886, Eugen Goldstein (1850-1930), utilisant des tubes dans lesquels on faisait le vide par des pompes à mercure, découvrit dans les gaz raréfiés une nouvelle espèce de rayons dits rayons positifs ou rayons canaux . Puis, en créant un vide encore plus poussé, Heinrich Rudolf Hertz (1857-1894), Jean Perrin (1870-1942) et sir J. J. Thomson (1856-1940) montrent que l’on peut obtenir des rayons composés de particules d’électricité négative (rayons cathodiques ). Philipp Lenard (1862-1947) parvint à leur faire traverser une feuille métallique épaisse de 2,5 猪m.

À la fin du XIXe siècle, la situation est la suivante: tandis que Goldstein, Hertz et Lenard pensent que ces rayons (cathodiques), qui ont des trajectoires rectilignes, impressionnent les plaques photographiques et excitent la phosphorescence, sont l’effet d’une lumière de courte longueur d’onde, William Crookes (1832-1919), Jean Perrin et J. J. Thomson croient que les rayons en question, qui s’incurvent dans un champ magnétique, sont des particules chargées négativement.

Enfin, couronnement des travaux précédents, Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923) montre en 1895 que, lorsque les rayons cathodiques frappent un obstacle (les parois d’un tube à gaz raréfié, par exemple), ils produisent à leur tour un nouveau rayonnement qu’il va nommer les rayons X . Ces derniers, qui échappent à l’action des aimants, ont eu aussitôt des applications du plus haut intérêt dans le domaine médical en raison de leur pouvoir de pénétration à travers les tissus des organismes vivants et de leurs propriétés pour le traitement de certaines affections de l’être humain. En physique, les rayons X amenèrent à une connaissance plus précise de la constitution de la matière, et en particulier à l’analyse des configurations discontinues des milieux cristallins. Mais, chose absolument remarquable, la découverte de Röntgen devait conduire indirectement, par suite d’une idée fausse de Henri Poincaré [1854-1912] (analogie des propriétés de l’uranium et des rayons X; actions sur des écrans au baryum), à la découverte de la radioactivité par Henri Becquerel (1852-1908), Pierre et Marie Curie (1859-1906; 1867-1934).

Maxwell, par souci d’esthétique (d’après Langevin) et pour mettre plus de symétrie et de cohérence dans ses équations, en modifia certaines et conclut à l’existence d’ondes de nature électromagnétique se propageant à la vitesse de la lumière. Paul Langevin (1872-1946) signala deux très importantes conséquences:

– théoriquement: la physique se trouve libérée des difficultés que laissait subsister, après Augustin Fresnel (1788-1827), la théorie des ondulations;

– pratiquement: l’académie de Berlin, ayant mis au concours en 1880 la vérification de la théorie de Maxwell, Henry Hertz réussit en 1887 à produire électriquement les ondes prévues par Maxwell et à leur reconnaître les propriétés d’une lumière de grande longueur d’onde; c’est l’origine de toute la radiotechnique actuelle.

L’utilisation de l’antenne et, surtout, l’invention, en 1906, du tube triode, par Lee De Forest (1873-1961), marqueront véritablement les débuts de la radiodiffusion [cf. TÉLÉVISION ET RADIODIFFUSION - Les organismes de radiodiffusion et de télévision dans les pays occidentaux] et, aussi, de l’électronique (cf. industrie ÉLECTRONIQUE).

4. Étapes de la prévision

La théorie de Lorentz

Par ses publications de 1892 et 1895, Henrik Antoon Lorentz (1853-1928) édifia une théorie des électrons en associant à chacune des charges un champ électrique et un champ magnétique, et ce à une échelle microscopique où peuvent s’appliquer les conceptions de Maxwell. Quand Stoney avait proposé le mot « électron », il désignait seulement une quantité d’électricité élémentaire sans y associer une masse ou une inertie. Lorentz admettait les hypothèses suivantes:

– l’éther est un espace vide dont les propriétés sont données par les équations de Maxwell;

– l’électricité est constituée de particules matérielles de charge et de masse définies, les électrons ou les ions.

Comme M.-A. Tonnelat le fait justement remarquer: «La théorie de Lorentz, relativiste avant la lettre, devait trouver sa justification dans le développement de la relativité restreinte. Mais la théorie d’Einstein allait modifier profondément son interprétation, encore axée sur la conception non relativiste de l’éther.»

L’ensemble des travaux qui précèdent devait conduire les physiciens de notre époque à considérer que tout courant électrique consiste en un déplacement d’ensemble de corpuscules électrisés, ces corpuscules pouvant être des ions positifs ou négatifs ou de simples électrons. Dans les métaux, ce sont des électrons dits libres qui sont cause du phénomène, lequel n’entraîne aucun transport de matière.

La mesure de la masse des électrons (ou, plutôt, du rapport e/m de leur charge e à leur masse m ) et de leur vitesse sous un potentiel déterminé est réalisée pour la première fois par J. J. Thomson en 1897. En 1903, Harold Albert Wilson évalue la charge élémentaire e . En 1908, Robert Andrews Millikan (1868-1953) augmente la précision des expériences et fournit pour e une valeur différant de moins de 2,5 p. 100 de celle qui est admise aujourd’hui. En appliquant la loi de l’électrolyse de Faraday, on peut alors montrer que l’électron est environ 1 836 fois plus léger que le noyau de l’atome d’hydrogène.

Les travaux de Pierre Curie

Les conceptions de Pierre Curie sur la symétrie des phénomènes physiques devaient introduire la notion de prévision. Ce savant établit que le champ électrique est un vecteur polaire de même symétrie qu’un tronc de cône et que le champ magnétique est un vecteur axial avec la symétrie du cylindre tournant. Il énonce deux propriétés:

– c’est la dissymétrie qui, dans un milieu donné, crée le phénomène;

– quand plusieurs phénomènes de nature différente se superposent dans un même système, les dissymétries s’ajoutent et il ne reste plus comme éléments de symétrie que ceux qui sont communs à chaque phénomène pris séparément.

Par exemple, la superposition d’un champ électrique (tronc de cône) et d’un champ magnétique (cylindre tournant), tous deux pris dans une même direction, ne laisse subsister que l’axe d’isotropie (cf. figure): c’est l’expérience réalisée par Gustav Heinrich Wiedemann (1826-1899).

Les travaux expérimentaux de Pierre Curie étaient aussi très importants: découverte, avec son frère Jacques (1855-1941), de la piézo-électricité, phénomène qui consiste dans l’apparition de charges électriques de signes contraires aux extrémités de certains cristaux à la suite de pressions que l’on exerce sur des faces particulières. Les applications de ce phénomène devaient conduire plus tard Paul Langevin à utiliser les «quartz piézo-électriques» des Curie pour produire des ultrasons. Si ces ondes (dont la fréquence est d’environ 50 000 hertz) sont émises dans l’eau, elles peuvent servir, par leur réflexion sur des obstacles fixes ou mobiles, soit à sonder le fond des mers, soit à détecter des icebergs, des sous-marins, etc. Langevin fit progresser les travaux de Curie sur le magnétisme. On sait que certains corps, dits ferromagnétiques, peuvent être aimantés d’une manière intense quand ils se trouvent au voisinage d’un aimant. Les autres corps peuvent aussi subir une aimantation, mais plus faible; on en distingue deux catégories: ceux qui s’aimantent en sens inverse du champ magnétique (de l’aimant dont on leur fait subir les effets) sont dits diamagnétiques ; ceux qui s’aimantent dans le sens du champ sont dits paramagnétiques .

Pierre Curie avait montré en étudiant les propriétés magnétiques des corps à diverses températures que, pour tous les corps faiblement magnétiques, le coefficient d’aimantation varie comme la densité d’un gaz sous pression constante et en raison inverse de la température thermodynamique (loi de Curie).

Langevin va montrer quelles sont les modifications produites à l’intérieur des atomes sur le mouvement des électrons (qui gravitent autour du noyau central) par l’établissement d’un champ magnétique extérieur. Il affirme que, au moins dans le cas où les électrons gravitent sur les orbites circulaires autour du centre d’attraction, l’établissement d’un champ magnétique change la vitesse de circulation des électrons, mais n’en déforme pas les orbites. Les courants particulaires que représentent ces orbites, écrit-il en 1908, se comportent comme s’ils étaient indéformables, mais leur intensité change pendant l’établissement du champ. Le paramagnétisme postérieur au diamagnétisme et superposé à celui-ci résulte d’un équilibre statique entre l’agitation thermique qui fait tourner les molécules sur elles-mêmes et tend à les orienter indifféremment dans tous les sens et l’action directrice du champ magnétique extérieur. En 1911, Langevin introduit la notion de moment magnétique nucléaire ou magnéton . Il avait établi également que, lorsqu’un champ magnétique oriente les petits aimants élémentaires des molécules d’une substance paramagnétique, il se produit un dégagement de chaleur. Cela devait conduire à une application de grande importance. La disparition du champ magnétique précité doit donc être suivie d’une absorption de chaleur, d’où la «démagnétisation adiabatique» (expérience réalisée avec succès) qui permet de descendre presque jusqu’au zéro absolu (Wander J. de Haas, 1878-1960).

Les nouvelles théories

C’est à partir des travaux de Niels Bohr (1885-1962) sur la structure interne de l’atome que se développe la théorie quantique du magnétisme. La quantification des orbites électroniques entraîne l’existence d’un moment magnétique élémentaire dont la valeur est déterminée par la constante h de Max Planck (1858-1947), la charge élémentaire e , la masse m de l’électron, et que l’on nomme le magnéton de Bohr.

En 1915, Arnold Sommerfeld (1868-1951) étend aux électrons dans l’espace les méthodes de quantification de Bohr; Otto Stern (1888-1969) et Walther Gerlach (1889-1979) vérifient expérimentalement, en 1921, ces idées théoriques.

Pour expliquer l’effet photo-électrique (émission d’électrons par la surface d’un métal frappée par une radiation électromagnétique) découvert par Hertz, Max Planck et Albert Einstein (1879-1955) avaient formulé l’hypothèse que la lumière était formée de grains d’énergie (donc retour à une conception granulaire).

En 1925, Louis de Broglie (1892-1987) élabore la mécanique ondulatoire en associant des ondes aux divers corpuscules (électrons, protons, etc.). On se trouve donc en présence d’un double aspect que présentent à la fois lumière et matière. La liaison entre ces deux qualités (ondulatoire et corpusculaire) a conduit à une conception statistique. L’onde, dans le cas de la lumière comme dans celui de la matière, détermine les probabilités de la présence des corpuscules, photons pour la lumière, protons, neutrons, etc., pour la matière.

Paul Dirac (1902-1984) contribue à édifier une mécanique ondulatoire relativiste qui permet d’interpréter les phénomènes dus au moment magnétique propre de l’électron. La mécanique ondulatoire relativiste, grâce à d’autres expériences, intervient dans le développement de la physique des solides et ses applications sont à l’origine de l’essor de l’électronique et de l’électrotechnique.

Production et transport de l’électricité

Au XIXe siècle, on était bien loin des premières machines de Guericke et Huygens. En 1869, Zénobe Gramme (1826-1901) invente la dynamo, appareil qui est rapidement perfectionné. En 1882, Marcel Deprez (1843-1918) réalise le premier transport d’énergie électrique en courant continu. Puis, à la même époque, l’invention du transformateur permet l’utilisation pratique du courant alternatif. En 1891, Nikola Tesla (1856-1943) obtient la transmission d’énergie électrique à grande distance, par fil (courant triphasé).

Au XXe siècle, les centrales thermiques, hydrauliques et nucléaires se développent dans de nombreux pays, et l’on réussit à transformer directement l’énergie chimique (piles à combustible) et l’énergie nucléaire (générateurs isotopiques) en énergie électrique.

Autres applications

James Joule (1818-1889) avait mis en évidence la transformation de l’énergie électrique en énergie thermique: on l’utilise de plus en plus souvent pour le chauffage. En dehors des applications signalées au cours de cet article, on doit se contenter de citer encore quelques exemples parmi les plus importants.

Après le téléphone et le télégraphe (avec et sans fils), les nouvelles techniques du vide, les moyens dont on dispose pour produire facilement des électrons, pour obtenir des faisceaux d’électrons homogènes, et les progrès de l’optique électronique ont permis d’émettre et de recevoir les ondes électromagnétiques. Citons l’oscilloscope cathodique, créé en 1897 par Ferdinand Braun (1850-1918) pour l’étude des phénomènes rapides, et les premiers tubes de télévision, créés en 1923 (Vladimir Kosma Zworykin, 1889-1982). En application des travaux de Louis de Broglie, on réalise le microscope électronique (Ernst A. F. Ruska, Manfred von Ardenne, Gaston Dupouy). Si un microscope optique donne en moyenne un grossissement de 500 avec un pouvoir séparateur de 200 nm, on peut obtenir avec un microscope électronique un grossissement du un million et un pouvoir séparateur de l’ordre de 0,1 nm. Plusieurs types de microscopes électroniques vont apparaître: les microscopes classiques, où l’objet est «éclairé» par un faisceau d’électrons et où l’image est fournie par les électrons; les microscopes à balayage, où l’objet est toujours éclairé par des électrons mais où l’image est obtenue grâce à une émission de lumière par électroluminescence; les microscopes à émission photoélectrique, etc. (cf. MICROSCOPES). Enfin, le transistor, inventé en 1947 par John Bardeen, William B. Shockley et Walter H. Brattain, marque le début de la révolution électronique de la fin du XXe siècle.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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